Urgences radiologiques

Risques Technologiques

Urgences radiologiques

Préparé par le TESEC, Centre européen de sécurité technologique (Kiev, Ukraine) 

En 1986, l’accident nucléaire de Tchernobyl laissait la planète en état de choc. Plus de 100 000 personnes, au Bélarus, en Ukraine et en Russie étaient évacuées de la zone contaminée. Près de 5 millions d’autres furent exposées aux radiations. La France, l’Allemagne, la Pologne et d’autres pays européens mirent en œuvre des mesures de protection contre les rayonnements ionisants. En 2011, la catastrophe de Fukushima rappela au monde que le risque nucléaire existe partout où se dressent des centrales nucléaires.

La perception publique des accidents de Tchernobyl et de Fukushima révéla un manque de vulgarisation des risques radioactifs liés au rejet de radionucléides. Ces deux événements démontrèrent également qu’en cas de catastrophe, la seule source d’informations fiable aux yeux de la population reste sa propre analyse des informations transmises, en fonction des connaissances de base dont elle dispose.

De nos jours, dans certains pays, la part du nucléaire dans la production d’électricité dépasse les 50 %. Des matières radioactives sont utilisées en médecine, dans l’industrie, dans les transports, par l’armée et dans d’autres secteurs d’activité. Nous sommes tous exposés à la radioactivité naturelle due aux rayonnements émanant de l’espace et de la Terre (massifs granitiques, minéraux porteurs de thorium), de la potasse radioactive que nous ingérons ou du radon que nous inhalons. Nous vivons exposés aux rayonnements. Mais il existe également d’autres risques : celui de périr des suites d’une irradiation en cas d’accident nucléaire ou radiologique, par exemple.

On définit généralement par « urgence radiologique » toute situation au cours de laquelle des travailleurs ou l’ensemble de la population sont exposés à un niveau de radioactivité élevé à la suite d’un accident nucléaire ou radiologique. Le danger provient du rayonnement ionisant (flux de particules alpha, bêta et gamma) résultant de la désintégration radioactive. L’énergie du rayonnement absorbé par un organisme induit des modifications chimiques au niveau atomique et moléculaire. On appelle « dose absorbée » l’énergie cédée par le rayonnement à l’organisme qu’il rencontre ; elle s’exprime par gramme de matière. Les dégâts corporels causés en cas d’exposition à haute dose sont tels que l’organisme n’a pas le temps de régénérer les tissus touchés. Les effets de l’irradiation deviennent alors visibles. Ils s’apparentent en de nombreux points à une brûlure, mais qui serait beaucoup plus profonde et lente à guérir. Certaines irradiations à doses très élevées peuvent entraîner la mort dans les heures, les jours ou les semaines qui suivent.

Le soleil, les rayons cosmiques (protons énergétiques, électrons, rayons gamma et rayons X), les radionucléides présents dans les roches, la nourriture et l’environnement ainsi que le radon, gaz émanant du sous-sol de la Terre, représentent les principales sources de rayonnement naturel pour les êtres humains.

L’écorce terrestre contient également des éléments radioactifs, parmi lesquels l’uranium, le thorium, le potassium et leurs dérivés radioactifs. Ces éléments émettent des particules alpha et bêta et des rayons gamma.

Le rayonnement artificiel dû aux activités humaines, provenant des centrales nucléaires par exemple, représente en moyenne 1 % du rayonnement naturel auquel est exposée la population. Ce chiffre ne tient évidemment pas compte des accidents nucléaires ou radiologiques, susceptibles d’entraîner des irradiations aigües, voire la mort. Pour en savoir plus sur les risques radiologiques, vous pouvez consulter le manuel « Connaissances de base sur les risques nucléaires : les leçons tirées de Tchernobyl et Fukushima ».

Un accident nucléaire est un accident impliquant un dispositif qui utilise une réaction en chaîne nucléaire contrôlée dans un but particulier. Un réacteur nucléaire, par exemple, consomme du combustible nucléaire à travers une réaction en chaîne nucléaire contrôlée et auto-entretenue pour produire de la chaleur, entraîner la rotation de turbines et produire de l’électricité. Du fait de l’énergie phénoménale qu’il dégage, un tel processus présente un risque de rejet de quantités considérables de radionucléides dans l’atmosphère. On parlerait alors d’un « accident nucléaire », qui provoquerait une « urgence radiologique ». Les accidents nucléaires de ce type sont très rares mais peuvent être à l’origine de la dispersion à grande échelle de particules radioactives.

Un accident radiologique découle de la perte de sources ou de matières radioactives, d’accidents lors de leur transport ou d’erreurs techniques ou humaines lors de leur manipulation. Il peut entraîner une urgence radiologique s’il expose la population à un risque de contamination. Les matières radioactives sont généralement contenues dans de petits containers métalliques scellés, d’où le terme de « sources radioactives scellées ».

Les centrales nucléaires (utilisées à des fins énergétiques, militaires ou scientifiques) sont les sources de rayonnement les plus puissantes qui soient. La radioactivité de leurs cœurs est en effet plusieurs millions de fois supérieure à n’importe quelle autre source de rayonnement artificielle. Les opérations de construction et d’exploitation des centrales nucléaires sont surveillées de près et soumises à des réglementations rigoureuses, mais la probabilité d’un accident, bien qu’infime, existe toujours.

Dans une telle éventualité, le principal danger est encouru par les populations environnantes exposées aux radionucléides rejetés par la centrale dans l’atmosphère – généralement sous forme d’un panache (ou « nuage ») radioactif. Le périmètre de la zone contaminée est délimité en fonction de la quantité de matière radioactive libérée, de la direction et de la vitesse du vent ainsi que des conditions météorologiques (pluie, neige, etc.) susceptibles d’accélérer le dépôt des radionucléides au sol. La contamination peut atteindre un niveau significatif dans un rayon de 30 kilomètres autour du lieu de l’accident.

Les accidents radiologiques peuvent survenir dans les endroits où des matières radioactives sont utilisées, stockées ou transportées : centrales nucléaires, donc, mais aussi hôpitaux, universités, laboratoires de recherche, sites industriels, principaux axes routiers et ferroviaires, terminaux de containers. Des sources radioactives sont souvent utilisées dans les instruments de mesure industriels (hygromètres et densimètres par exemple). Si ces instruments ou d’autres équipements contenant des matières radioactives sont mis au rebut sans précautions ou envoyés pour recyclage comme de la vulgaire ferraille, la source scellée peut être « perdue » et irradier accidentellement ceux qui la trouvent. Ils font partie des contaminants radioactifs les plus fréquents dans les lots expédiés par les ferrailleurs. Une source radioactive fondue en aciérie risque de contaminer le reste du métal, l’équipement et l’installation complète. Surtout, elle peut exposer le personnel et les utilisateurs à des risques de contamination.

Des personnes ont été gravement irradiées après avoir trouvé une source et l’avoir conservée, voire ouverte par curiosité sans être conscientes du danger. Certains satellites emportent des matières radioactives comme source d’alimentation pour les vols longs. Il existe un risque de dispersion de ces dernières en cas d’accident lors du décollage ou de la rentrée dans l’atmosphère.

Les technologies nucléaires sont utilisées dans les secteurs de la santé, de la défense et de l’industrie. Les principales sources de rayonnement artificiel sont :

les réacteurs nucléaires et leurs installations annexes, comme celles qui servent à la préparation du combustible ;

  • les installations médicales, comme les hôpitaux et les laboratoires pharmaceutiques ;
  • les instituts de recherche et les établissements d’enseignement ;
  • les sites de production d’armes nucléaires.

Plus de 400 réacteurs nucléaires sont actuellement en activité dans le monde (voir https://cnpp.iaea.org/pages/index.htm).

L’accident le plus grave dans l’histoire du nucléaire s’est produit le 26 avril 1986 lorsque le réacteur n° 4 de la centrale de Tchernobyl, ville de l’ancienne République ukrainienne de l’Union des républiques socialistes soviétiques, proche du Bélarus et de la Fédération de Russie, a explosé. L’explosion dispersa des radionucléides dans l’atmosphère pendant 10 jours, sous forme de gaz radioactifs, d’aérosols, de vapeurs condensées et de particules de combustible. Le rejet total fut estimé à 14×1018 Bq et la surface contaminée à plus de 200 000 km² dans toute l’Europe, à des niveaux de 137Cs supérieurs à 37 kBq/m2.

Les trois pays les plus touchés furent le Bélarus, la Russie et l’Ukraine, avec plus de 100 000 personnes évacuées. Au total, près de 5 millions de personnes furent exposées aux radiations. Des mesures de protection contre les rayonnements ionisants furent mises en œuvre en France, en Allemagne, en Pologne et dans d’autres pays européens.

Centre-trente-quatre cas de syndrome aigu d’irradiation (SAI) furent diagnostiqués chez les « liquidateurs » (personnel intervenu immédiatement après la catastrophe) exposés à des irradiations corporelles totales de 1 à 16 Gy. Vingt-huit moururent dans les trois mois qui suivirent. Selon de nombreuses études nationales et internationales, une conséquence sanitaire majeure de l’accident fut  l’assimilation d’iode-131 par les jeunes, cause du développement de cancers de la thyroïde. Vingt-cinq ans après, 6 000 cas de cancers de la thyroïde avaient été diagnostiqués chez les Bélarussiens, les Russes et les Ukrainiens exposés à cette substance lorsqu’ils avaient entre 0 et 18 ans. Pour en savoir plus sur les dangers radiologiques, vous pouvez consulter le manuel « Connaissances de base sur les risques nucléaires : les leçons tirées de Tchernobyl et Fukushima ». http://tesec-int.org/BookletNHen2013.pdf

L’accident nucléaire de Fukushima-1 (Dai-ichi) s’est produit le 11 mars 2011. Il a conduit au rejet de radionucléides dans l’environnement. Cet accident résulte d’une succession de défaillances techniques consécutives à un tsunami provoqué par un séisme de magnitude 9. Les vagues soulevées par le tsunami ont inondé la centrale. Des signes évidents d’une fusion partielle du cœur des réacteurs 1, 2 et 3 apparurent rapidement. Des explosions d’hydrogène soufflèrent les toits des bâtiments abritant les réacteurs 1, 3 et 4 et une autre explosion endommagea l’enceinte de confinement du réacteur 2. De multiples incendies se déclarèrent au niveau du réacteur 4. Malgré leur arrêt immédiat, les réacteurs 5 et 6 commencèrent à surchauffer à la suite de l’évaporation de l’eau de refroidissement dans les piscines d’entreposage du combustible usé.

On estime à 0,16 EBq et à 0,015 EBq 137Cs respectivement les quantités de 131I et de 137Cs rejetés dans l’atmosphère par les réacteurs de Fukushima-1.

Environ 7800 membres des équipes d’intervention furent exposés à des rayonnements de 7,7 mSv en moyenne et une trentaine à des doses supérieures à 100 mSv.

Trois furent brûlés aux pieds et aux jambes à la suite d’une exposition accidentelle à l’eau fortement contaminée du socle de la turbine.

Afin de protéger les populations locales contre les risques d’irradiation, les autorités japonaises ordonnèrent l’évacuation dans un rayon passant progressivement de 3 à 10 km, puis à 20 km. Au-delà, jusqu’à 30 km, les populations furent invitées à se mettre à l’abri et à se préparer à évacuer. Plus de 70 000 personnes ont été déplacées depuis l’accident.

Aux États-Unis, le pire accident commercial jamais survenu a eu lieu dans la centrale nucléaire de Three Mile Island, en 1979. À la suite de pannes matérielles et d’une erreur humaine, de l’eau de refroidissement qui recouvrait le cœur du réacteur se déversa pendant plus de deux heures à l’extérieur de l’enceinte du réacteur par une soupape restée accidentellement ouverte.

L’eau contaminée (près de 4 millions de litres) inonda les sous-sols de l’enceinte de confinement  et des bâtiments auxiliaires. La fuite continua au point de découvrir en partie le combustible. Privées de refroidissement, la gaine et certaines des pastilles de combustible commencèrent à fondre. De grandes quantités de radionucléides furent finalement rejetées dans l’enceinte de confinement.

Les accidents radiologiques découlent de la perte de sources ou de matières radioactives, d’accidents lors de leur transport ou d’erreurs techniques ou humaines lors de leur manipulation.

L’un des pires accidents de ce type est survenu en 1987 à Goiânia, au Brésil. Une unité de radiothérapie avait été abandonnée dans une clinique en cours de démolition. Elle était équipée d’une source de césium-137 (5×1013 Bq) scellée dans deux containers en acier inoxydable imbriqués formant une capsule de 5 cm de diamètre. Deux individus démontèrent l’unité, parvinrent à libérer la capsule de césium, la ramenèrent chez eux et l’ouvrirent. Le 21 septembre, plusieurs grains de césium furent extraits et distribués. Certaines personnes en mirent même sur elles. Sur les 112 800 personnes examinées, 129 cas de contamination furent détectés et 9 personnes moururent.

Les principales conséquences des accidents nucléaires ou radiologiques sont les suivantes :

  • conséquences sur la santé (effets déterministes et stochastiques) ;
  • conséquences psychologiques ;
  • conséquences environnementales ;
  • conséquences sociales et économiques. 

Conséquences sur la santé

Les conséquences sur la santé de l’exposition à des rayonnements ionisants peuvent être de deux natures : déterministe ou stochastique.

  • Effets déterministes

Les effets déterministes résultent d’une exposition aigüe, soit en une fois à forte dose, soit en plusieurs fois sur de courtes durées. Dans la plupart des cas, une irradiation à forte dose peut entraîner à la fois des effets immédiats et des effets tardifs. Pour les humains et les autres mammifères, elle peut évoluer rapidement en un syndrome aigu d’irradiation (SAI). Ce dernier se caractérise, entre autres, par des troubles gastro-intestinaux, des infections bactériennes, des hémorragies et de l’anémie. Les premiers signes apparaissent relativement vite (quelques jours à quelques semaines) après une irradiation à forte dose et à haut débit de dose. Les tissus sont tellement endommagés que l’organisme n’a pas le temps de les régénérer. Les symptômes s’apparentent à ceux d’une brûlure, mais en général bien plus profonde et longue à cicatriser. Les effets déterministes apparaissent généralement de manière localisée sur le corps. Ils dépendent de la dose absorbée totale, de la durée de l’irradiation et du type de rayonnement, mais aussi de la distribution de la dose dans l’organisme. Une irradiation à dose très élevée peut entraîner la mort en quelques heures, jours ou semaines. D’autres effets biologiques peuvent apparaître à plus long terme : cataractes, stérilité temporaire, cancers, maladies génétiques.

  • Effets stochastiques

Les effets stochastiques sont une autre conséquence possible sur la santé de l’exposition à des rayonnements ionisants. Les cancers ou les effets héréditaires dans la descendance en font partie. Ces effets se caractérisent par leur apparition tardive – mais non systématique – après l’irradiation (plusieurs années voire décennies). Les cellules peuvent être suffisamment endommagées par l’irradiation pour que leur fonctionnement en soit modifié, mais sans que cela soit visible. Ces modifications pourront se manifester bien plus tard, par le développement d’un cancer par exemple. Nous insistons sur le caractère aléatoire de ces manifestations, qui peuvent ne jamais se déclarer. La probabilité d’apparition des effets stochastiques augmente avec la dose. À faible dose, la probabilité de contracter un cancer est donc très faible, et inversement à haute dose. Il n’existe en revanche aucun seuil « de sécurité » en deçà duquel une personne irradiée serait prémunie contre tout risque de développer un cancer radio-induit. Il semble en outre que la dose cumulée influence davantage la probabilité d’apparition d’un cancer que le débit de dose.

Les répercussions sur l’organisme humain ne sont qu’une des conséquences possibles des accidents nucléaires et radiologiques.

Ces derniers s’accompagnent en effet systématiquement de conséquences psychologiques, que les personnes aient ou non été irradiées à haute dose. Certaines mesures prises à Tchernobyl pour mettre les populations à l’abri des rayonnements ionisants, tels que les déplacements et les réinstallations, ont parfois fait plus de mal que de bien du fait des troubles psychologiques occasionnés par le stress et l’anxiété.

Conséquences écologiques

La contamination de la terre, de l’eau et de l’air par des matières radioactives est préoccupante pour l’environnement. En règle générale, un écosystème n’est affecté par les rayonnements qu’au-delà d’un seuil de radioactivité relativement élevé – même si la radioactivité peut contaminer plus gravement certains animaux et végétaux. Les « contre-mesures » destinées à protéger les populations posent un problème écologique plus sérieux. Quoi qu’il en soit, une contamination, même minime, de l’environnement n’est jamais rassurante pour ceux qui continuent à vivre là. Enfin, alors que la nature fait son œuvre, le vent et les rivières peuvent transporter les radionucléides d’un endroit à un autre, ce qui constitue une source d’inquiétude supplémentaire.

Conséquences sociales et économiques

Toute contre-mesure déclenchée pour parer aux conséquences sanitaires et environnementales d’un accident a un coût, soit direct – celui de la contre-mesure elle-même – soit indirect – celui de l’arrêt des activités économiques dans la région.

Comme on le voit, un accident nucléaire et les contre-mesures employées s’accompagnent donc d’un certain nombre de répercussions pour la santé, l’environnement et la société – des conséquences qui vont bien au-delà des simples dégâts physiques pour les personnes irradiées.

Tout doit être mis en œuvre pour prévenir les accidents nucléaires et radiologiques et atténuer leurs conséquences. Les conséquences les plus dommageables surviennent en général lorsque les installations et les activités liées au cœur d’un réacteur, à une réaction en chaîne nucléaire ou à une source radioactive (ou à une autre source de rayonnement) ne sont plus sous contrôle. Pour garantir une probabilité minimale qu’un accident s’accompagne de conséquences graves, des mesures doivent donc être prises pour :

  • prévenir les avaries ou les situations anormales (dont les violations des règles de sécurité) pouvant conduire à une perte de contrôle ;
  • empêcher l’aggravation de telles avaries et situations anormales lorsqu’elles se produisent ;
  • prévenir la perte, ou la perte de contrôle, des sources radioactives (ou des autres sources de rayonnement).

La planification, les mesures d’intervention et les actions de secours sont les principaux moyens permettant d’atténuer les conséquences d’une urgence radiologique. Les objectifs premiers de la planification et des mesures d’intervention face à une urgence radiologique ou nucléaire sont :

  • de faire en sorte que, pour les incidents raisonnablement prévisibles, les risques d’irradiation restent minimes ;
  • pour tout autre incident, d’appliquer les mesures pratiques qui s’imposent pour atténuer les conséquences sur la vie et la santé des populations et sur l’environnement.

L’exploitant, l’employeur et l’autorité de réglementation nucléaire ainsi que les organes publics compétents doivent établir par avance des dispositifs garantissant une planification et des mesures d’intervention suffisantes en cas d’urgence nucléaire ou radiologique, tant au niveau du site (plans d’intervention sur le site) que des environs, de la région et du pays (plans d’intervention hors du site) et, si nécessaire, des dispositifs convenus à l’échelle internationale.

Les actions de secours sont généralement déployées de façon graduelle. La sûreté est une priorité, tout comme le bien-être physique et mental de la population. De nombreuses leçons ont été tirées de l’expérience de Tchernobyl dans le domaine de la gestion post-crise et de la réhabilitation :

  • le redressement socio-économique est le problème le plus complexe à résoudre pour les régions touchées par la catastrophe de Tchernobyl ;
  • le manque d’informations fiables a mené à une méfiance généralisée à l’égard des autorités et plus particulièrement des déclarations officielles sur les niveaux de radioactivité ;
  • une communication inefficace avec le public a gravement retardé le processus de redressement.

La réhabilitation territoriale et la protection des populations contre les risques d’irradiation dépendent en grande partie de la fiabilité des informations.

À Tchernobyl, le risque d’irradiation fut invoqué pour justifier l’évacuation et la réinstallation de plus de cent mille personnes, mais il en résulta un stress psychologique important.

Le déplacement tardif des familles résidant dans les zones les moins contaminées ne s’imposait pas : cette expérience sera à prendre en compte en cas d’accident futur.

Les gens sont toujours aussi angoissés que par le passé à propos des répercussions possibles des irradiations sur leur santé. Dans les zones contaminées, ils vivent dans un état d’impuissance, de passivité, d’incapacité à se projeter dans l’avenir. De nouvelles stratégies doivent être adoptées pour associer ces populations aux mesures visant à améliorer leurs conditions de vie. Il apparaît également nécessaire d’informer certains groupes, qui pourraient relayer les informations reçues ainsi que divers conseils pratiques aux populations concernées dans le cadre d’une approche intégrée (axée sur l’importance d’un mode de vie sain et pas uniquement sur les dangers de la radioactivité).

Les rayonnements ionisants affectent l’organisme en cédant aux tissus organiques suffisamment d’énergie pour endommager, voire détruire, les cellules. Dans certains cas, l’irradiation peut n’avoir aucun effet. Dans d’autres, la cellule peut survivre mais présenter des malformations temporaires ou irréversibles. Une cellule atteinte peut également devenir maligne. Une irradiation aigüe peut entraîner des dégâts cellulaires considérables puis la mort. À plus petite dose, la personne ou l’organe (ou les organes) irradié(s) peu(ven)t survivre mais l’ADN des cellules être atteint, générant un risque accru de cancer. La gravité des dommages dépend de la dose absorbée totale, de la durée de l’irradiation et du débit de dose, et aussi de l’organe (ou des organes) exposés.

Les signes et symptômes des blessures résultant d’une irradiation à une dose faible ou modérée peuvent n’apparaître qu’après plusieurs mois ou années. La durée minimale entre l’irradiation et l’apparition des symptômes (temps de latence) est de deux ans pour la leucémie, de plus de cinq ans pour les tumeurs solides. Les types d’effets et la probabilité qu’ils surviennent peuvent également dépendre de la nature de l’exposition : chronique (c.-à-d. distribuée au cours de nombreuses années) ou aigüe (d’une durée très brève).

Les rayonnements ionisants représentent un danger potentiel pour l’homme, mais il est dans l’intérêt commun de les utiliser.

La principale mesure préventive est celle de la « défense en profondeur ». Elle est essentiellement mise en œuvre à travers un ensemble de niveaux de protection consécutifs et indépendants dont la défaillance entraîne des effets nocifs à des personnes ou à l’environnement. En cas de défaillance d’un niveau de protection ou d’une barrière, le niveau ou la barrière suivant prend le relais. Bien appliquée, une défense en profondeur garantit l’innocuité des défaillances techniques, humaines ou organisationnelles et une probabilité minimale que des défaillances combinées entraînent des effets nocifs. L’efficacité indépendante des différents niveaux de protection est un élément nécessaire de la défense en profondeur.

La défense en profondeur est assurée par une combinaison appropriée des éléments suivants :

  • un système de gestion efficace avec un ferme attachement à la sûreté et une solide culture de sûreté.
  • un choix du site approprié et l’incorporation de caractéristiques techniques et de conception adéquates prévoyant des marges de sûreté, la diversité et la redondance, notamment grâce à :
    • une conception, une technologie et l’utilisation des matériaux de haute qualité et de haute fiabilité ;
    • des systèmes de contrôle, de limitation et de protection et des caractéristiques de surveillance ;
    • une combinaison appropriée de caractéristiques de sûreté intrinsèque et de dispositifs de sauvegarde ;
  • des procédures opérationnelles et des pratiques détaillées ainsi que des procédures de gestion des accidents.

Les mesures d’atténuation sont les mesures prises pour limiter les effets nocifs d’un accident nucléaire ou radiologique. Elles se fondent sur deux composantes :

  • l’élaboration de plans d’urgence spécifiques, applicables dans l’enceinte et en dehors des infrastructures dangereuses ;
  • la sensibilisation du grand public.

Les plans d’intervention sur le site et hors du site en cas d’urgence ont comme objectifs pratiques :

  • de ramener la situation sous contrôle ;
  • de prévenir ou d’atténuer les conséquences sur place ;
  • d’empêcher l’apparition d’effets déterministes sur la santé des travailleurs et du public ;
  • d’apporter les premiers secours et d’assurer le traitement des radiolésions ;
  • d’empêcher, autant que possible, l’apparition d’effets stochastiques sur la santé de la population ;
  • de prévenir, autant que possible, la survenue d’effets nocifs non radio-induits sur les individus et la population ;
  • de protéger, autant que possible, l’environnement et les biens ;
  • de préparer, autant que possible, le retour à la normale des activités sociales et économiques.

Les trois précautions à retenir pour limiter les effets des rayonnements ionisants en cas d’urgence radiologique sont les suivantes :

  • limiter autant que possible le temps d’exposition ;
  • se tenir aussi loin que possible de la source radioactive ;
  • se protéger de la source radioactive.

Le temps est un facteur important : il importe de limiter l’exposition tant de la population que des équipes d’intervention. Moins une personne passe de temps dans la zone contaminée, plus la dose absorbée sera faible.

La stratégie à mettre en place pour réduire le risque public en cas de catastrophe nucléaire est donc la suivante :

Avant ou immédiatement après le rejet, suivant l’état du site

  • Évacuation ou mise à l’abri dans un rayon de 3 à 5 km
  • Traitement prophylactique à l’iode à proximité de la centrale

Après le rejet

  • Déterminer au plus vite, par un contrôle radiologique immédiat, les zones nécessitant des actions supplémentaires.
  • Restreindre la consommation des denrées alimentaires produites localement dans un rayon pouvant aller jusqu’à 300 km, en fonction des résultats du suivi.
  • Déterminer les zones nécessitant des restrictions alimentaires et une évacuation des populations.

Les plans d’urgence élaborés dans les infrastructures les plus dangereuses d’un point de vue radiologique (les centrales nucléaires par exemple) définissent deux types de zones : 

ZONE DU SITE

Il s’agit de la zone délimitée par le périmètre ou la clôture de sécurité du site, ou par tout autre moyen de matérialisation des limites du site. Il peut également s’agir de la zone contrôlée qui entoure la source radioactive ou la zone contaminée, c.à.d. la zone sous le contrôle immédiat de l’exploitant. Dans le cas d’une urgence déclenchée à la suite d’un problème de transport, de perte (ou de perte de contrôle) de sources radioactives, la « zone du site » peut n’être définie qu’après coup. 

ZONES HORS SITE

Il s’agit des environs du site. Concernant les infrastructures capables de générer un fort rejet de radionucléides en dehors du site en cas d’accident, plusieurs zones d’urgence de différents niveaux seront définies en fonction de leur distance par rapport au site. On en distingue trois en particulier pour ce type d’infrastructures :

Zone d’actions préventives : rayon de 3 à 5 km autour de la source radioactive

Zone prédéfinie autour du site pour laquelle des actions protectrices urgentes, planifiées à l’avance, sont mises en œuvre dès l’urgence générale déclarée. L’objectif est de réduire sensiblement le risque d’effets déterministes sur la santé par des actions protectrices mises en œuvre dans cette zone avant ou juste après le rejet.

Zone de planification des actions protectrices urgentes rayon de 25 km autour de la source radioactive

Zone prédéfinie autour du site pour laquelle des dispositions ont été prises en vue de la mise en œuvre de mesures d’actions protectrices urgentes sur la base du contrôle radiologique de l’environnement et des conditions régnant dans l’installation, l’objectif étant d’éviter que les doses spécifiées dans les normes internationales ne soient reçues hors du site.

Rayon de planification des restrictions alimentaires :  rayon de 300 km autour de la source radioactive

Zone où des dispositions sont prises pour mettre en œuvre efficacement des mesures de protection contre le risque d’effets stochastiques sur la santé par ingestion de produits alimentaires produits localement. En général, les mesures de protection (déplacement des populations, restrictions alimentaires, contre-mesures agricoles) dépendent des résultats du contrôle radiologique de l’environnement et d’analyses effectuées sur des échantillons d’aliments.

Ces zones devraient s’étendre plus ou moins en cercle autour du lieu de l’accident et être délimitées par des éléments caractéristiques (routes, rivières) pour simplifier leur identification lors d’une intervention. Signalons que ces zones doivent s’étendre, le cas échéant, au-delà de la frontière nationale. La taille de ces zones peut être calculée en analysant les conséquences potentielles d’un accident. Des études fournissent les bases de calcul pour les zones génériques précédemment décrites (Méthode d’élaboration de mesures d’intervention en cas de situation d’urgence nucléaire ou radiologique, EPR-METHOD (2003), AIEA, VIENNE, 2009, ISBN 978-92-0-212909-2).